L’anthroposophie est un courant. Se propage-t-elle en moi ?

Christine Gruwez


Que signifie le recours à l’image d’un courant (ésotérique) ? Christine Gruwez explore ici le sens de ce choix en se référant à l’anthroposophie.


Que signifie « anthroposophie » ? Que représente-t-elle ? De quoi témoigne-t-elle ? Lorsque ces questions et d’autres, similaires, surgissent, il est souvent question d’un « courant ». Le congrès de Noël de cette année proposera lui aussi des contributions à ce sujet, sur les Mystères d’Ephèse, l’École de Chartres et le Mystère de la Rose-Croix. L’anthroposophie est-elle un courant ?

Les courants sont nombreux. Sommes-nous face à un courant spirituel ? S’agit-il aussi d’un mouvement ? Et pourrait-on en savoir plus sur le lieu de sa source ? Où et comment l’anthroposophie a-t-elle commencé à circuler ? L’image du courant joue un rôle, même lorsqu’on s’interroge sur son influence.

Le terme « courant » renvoie à l’essence

L’influence de chaque fleuve se reconnaît au paysage et à l’atmosphère qui l’entoure. Une ville que traverse un fleuve porte une atmosphère spécifique. Les jeux de la lumière, de l’air et du vent sont comme tissés et « colorés » par le fleuve. Il oriente les multiples phénomènes d’une communauté humaine. Il crée un lien. Chaque fleuve est une entité unique : c’est pourquoi on les désigne d’un nom propre.

Si le courant ou le fleuve devient une métaphore de l’anthroposophie, cela signifie que l’anthroposophie est comme un courant. On transfère l’image du fleuve à l’anthroposophie. Or il ne s’agit pas seulement d’une métaphore. Dire : « L’anthroposophie est un courant », c’est dire qu’elle coule. Et qui dit : « Elle coule », dit aussi qu’elle est vivante, qu’elle vit. Comme tout fleuve, elle coule entre sa source et son embouchure et crée ainsi une entité qui se métamorphose, une entité temporelle, non pas une unique entité temporelle, mais autant d’entités temporelles que possible, qui naissent toutes à chaque fois de leur essence propre, ce qu’elles apportent de neuf pouvant se développer en écho à la nature du sol et à l’environnement. Un fleuve, dans la mesure où il s’écoule, n’est jamais égal à lui-même. C’est ce qu’affirmait déjà Héraclite lorsque, selon la tradition, il écrivait : « Personne ne peut entrer deux fois dans le même fleuve, car tout coule, rien ne reste ». Dans le fragment 49a, on peut lire : « Nous nous plongeons et nous ne nous plongeons pas dans les mêmes fleuves. Nous sommes et nous ne sommes pas ». Le devenir est essence. Une entité temporelle est un devenir permanent, un flux, capable de se manifester sous n’importe quelle forme.

Unicité

Mais qu’est-ce qui, dans le devenir, serait permanent ? Qu’est-ce qui, dans le courant, donne à un fleuve sa configuration singulière ? Il est souvent fait référence à ce propos au cours d’un fleuve, par exemple à la manière dont il se fraie un chemin à travers un environnement, un paysage humain ou naturel, déjà prédéfini.

Bien que des lois similaires interviennent, il n’existe pas deux cours d’eau identiques. La trace que laisse le fleuve, son empreinte, s’avère en effet unique.

On peut bien sûr remonter cette trace, aller même jusqu’aux sources et voir ce que l’eau a déjà recueilli et rassemblé avant que le fleuve ne commence son propre cours. On peut représenter les affluents, quand et comment ils ont rejoint le cours principal et quelles influences en ont résulté. On peut aussi décrire la diversité de chaque embouchure. Comme dans un fleuve en crue, tout se dirige vers la mer, mais certains fleuves n’atteignent pas la mer, tel le Zayandeh Rud, au centre de l’Iran. Son nom signifie « donneur de vie », ce qui était le cas, il y a quelques décennies encore, pour la population des zones désertiques autour d’Ispahan.

On pourrait non seulement suivre les premiers signes discrets d’une métamorphose en profondeur le long du cours du fleuve, mais aussi explorer la profondeur de son lit et sa formation en tant que telles !

Car sans résistance, aucun lit fluvial ne peut se former. La terre et son contenu, le sol, les montagnes, tout ce qui est essentiellement apparenté à la pesanteur et au minéral, offrent une résistance. Sans elle, on ne peut parler de flux et de courant : il ne s’agirait que d’une chute comme celle d’une cascade, une chute vers le bas. Une chute d’eau a, certes, une source et une embouchure, mais elle n’a ni la profondeur du lit du fleuve ni l’étendue d’une embouchure.

Appropriation de différentes sources

L’anthroposophie peut, à bien des égards, être considérée comme un organisme vivant. Elle s’est constituée à partir de différentes sources et, au cours de son évolution, les a intégrées et transformées de plus en plus profondément, tout en façonnant son propre lit. En tant que courant en devenir, l’anthroposophie est unique, de même qu’un fleuve témoigne de sa nature par le fait qu’il coule ! Selon son essence, « anthroposophie » signifie « elle vit, elle coule » !

Que porte ce fleuve ? La lumière de la conscience ! Pas seulement la lumière qui se reflète dans le fleuve : l’image du courant vivant par excellence, en tant qu’image et allégorie de l’anthroposophie (la réciproque est également possible) est cette lumière de l’être.

Bien entendu, l’anthroposophie a une forme corporelle qui s’inscrit dans l’espace et le temps, qui s’incarne, comme celle d’un fleuve naturel.

Est-ce que je reste sur la rive ou est-ce que j’y entre ? La question est alors : comment cela coule-t-il en moi ? Qu’est-ce qui veut s’écouler à travers moi ?

Ce n’est que lorsque le courant s’établit en moi que je peux rencontrer l’anthroposophie en tant que courant. C’est là que le nouveau commence. Sans cesse. Je ne suis pas seulement à la source, mais en même temps à l’endroit de l’embouchure. En présence de l’esprit. Là où ça coule.


Article publié dans "Anthroposophie aujourd'hui"; avec l'aimable autorisation de l' auteur.


Image principale: L’anthroposophie, comme un courant. Photo: Jasper Gronewold / Unsplash.

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